Paris, le 11 septembre 2019
Les travailleurs iraniens qui réclament des salaires impayés se sont vu infliger 14 à 18 ans de prison et des coups de fouet
Un grand nombre de personnes ont été condamné.es à des peines allant de six à dix-huit ans d'emprisonnement, ainsi qu'à des punitions corporelles pour avoir organisé des manifestations pour leurs salaires et leurs avantages acquis :
- des travailleurs et travailleuses d'une usine de canne à sucre,
- des personnes défendant les droits des salarié.es,
- des journalistes qui ont défendu leur cause en Iran.
Esmail Bakhshi, un représentant des travailleurs/euses du complexe de canne à sucre Haft Tappeh dans le sud-est de l'Iran, a été condamné à 14 ans de prison et à 74 coups de fouet le 7 septembre 2019. Sept de ces 14 années sont exécutables en vertu du Code pénal islamique iranien.
Sepideh Gholian, journaliste étudiante et citoyenne qui couvrait les manifestations du complexe Haft Tappeh Sugarcane, a été condamnée à une peine de dix-huit ans d'emprisonnement. Jamaluddin Heidari Manesh, un avocat représentant Sepideh Gholian, a confirmé, le 7 septembre, que Gholian avait été accusée d'avoir soutenu les manifestations de Haft Tappeh simplement pour avoir publié des photos et des informations en ligne. L'avocat de Gholian a déclaré que la plupart des accusations pour lesquelles elle avait été condamnée ont été déclarées comme ayant trait à la sécurité nationale, notamment « d'appartenance à un groupe illégal, le complot en vue de prendre des mesures contre la sécurité nationale et la propagande contre l'État ».
D'autres prisonnier.es ont également été inculpé.es et condamné.es pour des raisons de « sécurité nationale ».
Le 19 janvier 2019, la radio publique IRIB a diffusé les aveux télévisés d’ Ali Nejati et Esmail Bakhshi, des travailleurs du complexe Haft Tappeh ainsi que de Sepideh Gholian, avouant qu'ils agissaient contre la sécurité nationale en collaborant avec des groupes hostiles et les gouvernements étrangers. Avant et après la diffusion, Bakhshi et Gholian ont déclaré qu'ils avaient été torturés en détention et que les aveux télévisés avaient été forcés. Ils ont également répété cela lors des audiences et ont déclaré que toutes les charges retenues contre eux étaient fondées sur des aveux obtenus sous la torture.
Un autre ouvrier de Haft Tappeh, Mohammad Khanifar, a été condamné à six ans de prison. Les poursuites contre les travailleurs/euses du complexe Haft Tappeh qui manifestent contre la justice sont toujours en cours et, selon les représentants des salarié.es, 100 d'entre eux/elles auraient déjà été arrêté.es, convoqué.es ou interrogé.es. Jusqu'à présent, la plupart des personnes emprisonnées ont été inculpées de plusieurs chefs d'accusation liés à la sécurité nationale, notamment «rassemblement et collusion pour agir contre la sécurité nationale», avoir « agi contre la sécurité nationale par la propagande», «répandu des mensonges pour perturber l'opinion publique» et « perturbé l'ordre public en assistant à des rassemblements illégaux.»
Les salarié.es du complexe Haft Tappeh ont organisé plusieurs manifestations et grèves en 2018 et 2019 pour réclamer le paiement des salaires en retard et s'opposer à la privatisation de l'usine. Certain.es manifestant.es n'avaient pas été payé.es depuis plus de quatre mois.
Une vidéo d'Esmail Bakhshi qui dirigeait ces manifestations est devenue virale lorsqu'il a demandé aux salarié.es de réclamer «du pain, du travail et de la liberté». Depuis, le slogan «Pain, travail et liberté» est devenu un slogan populaire des manifestations des travailleurs/euses en Iran. .
L’Iran a également arrêté des journalistes qui couvrent des questions relatives aux salarié.es, y compris l’ensemble du comité de rédaction du magazine Gam. Tous les membres de cette publication, dont Amir Amirgholi, Sanaz Allahyari, Amir Hossein Mohammadi Far et Asal Mohammadi, ont également été condamné.es à 18 ans de prison (dont sept sont exécutables).
Plus tôt, en août 2019, Marziyeh Amiri du Shargh Daily avait été condamnée à 10 ans et 6 mois de prison et à 147 coups de fouet pour avoir couvert des manifestations du 1er mai.
L’Iran a connu de fréquentes manifestations syndicales dans les deux dernières années, au cours desquelles des centaines de salarié.es et de personnes défendant les droits des travailleurs/euses ont été arrêté.es. Actuellement, les tribunaux du régime envoient un message clair avec ces peines de prison particulièrement dures.
L’économie iranienne souffre du rétablissement des sanctions économiques imposées par les États-Unis, ainsi que d'années de corruption et de mauvaise gestion. Tout cela a de graves effets sur la vie des travailleurs et travailleuses.
L’Organisation iranienne de privatisation (OIP) est au cœur du problème de corruption et de mauvaise gestion. Depuis 2001, elle transfère la propriété d'entreprises publiques au secteur privé. Dans le cadre de cette introduction en bourse, le gouvernement cède des institutions à un prix ne représentant qu'une fraction de leur valeur réelle, à des personnes sélectionnées, liées à l’État, en se libérant du fardeau qui consiste à verser aux travailleurs les salaires en souffrance.
Les nouveaux propriétaires privés d'usines bénéficient davantage de la revente que de la poursuite de la production. Les travailleurs voient leurs salaires impayés et subissent des licenciements massifs.
Sur les 100 premières entreprises privées entrées en bourse de 2001 à 2004, 16 ont été fermées, six sont en semi-fermeture, 29 sont en difficulté économique et 62 ont licencié leur personnel sans salaire. De mars 2018 à mars 2019, l’OIP a transféré 631 entreprises publiques au secteur privé.
Le complexe de canne à sucre Haft Tappeh, le Groupe national iranien de l’industrie sidérurgique, la Société de production d’équipements lourds (HEPCO), ont beaucoup souffert des politiques d’introduction en bourse en ayant licencié et arrêtés de centaines de salarié.es.