Echo
d'Iran N°
9, 2009-09-01,
Les travailleurs et le mouvement anti-dictatorial actuel
Le peuple iranien qui s’estime victime d’un coup d’Etat électoral, orchestré au plus haut niveau du pouvoir, a descendu dans la rue par millions. Un simple revu des slogans scandé par les manifestants montre que ce mouvement est un mouvement, avant tout, anti dictatorial qui n’exprime pas encore clairement des demandes socio-économiques.
Les « programmes» des candidats à l’élection présidentielle ont été les plus flous et cela pour cause ; tous les quatre défendent des positions capitalistes néolibérales, sans exception.
Mais ces divisions, au sommet, qui sont apparu au grand jour à l’occasion de cette élection, ont ouvert un espace pour un authentique mouvement de masse.
Quelle est l’attitude de l’avant-garde ouvrière iranienne face à cette situation nouvelle? Pendant la campagne électorale, la plupart des organisations syndicales et ouvrières (qui sont illégales) n’ont appelé à voter pour aucun des candidats en lice, car, expliquaient-elles, aucun des candidats ne représentait les intérêts des travailleurs.
Cette position était parfaitement correcte. Cependant, une fois le mouvement de masse engagé, le syndicat des chauffeurs de bus de Téhéran (Vahed) a exprimé son soutien sans faille au mouvement. De même, les travailleurs d’Iran Khodro ont organisé une grève d’une demi-heure pour soutenir le mouvement.
Le 18 Juin, le Syndicat des conducteurs de bus de Téhéran a publié un communiqué pour soutenir le mouvement. Il s’agit d’un des secteurs les plus militants de la classe ouvrière iranienne, qui, il y a deux ans a bravé une répression brutale pour défendre ses droits syndicaux. Avant les élections, le Syndicat avait à juste titre déclaré qu’aucun des candidats ne défendait les intérêts des travailleurs iraniens.
Mais tout aussi correctement, il salue aujourd’hui « le magnifique mouvement de millions de personnes de tous âges, tous sexes, toutes confessions religieuses et toutes nationalités ».
Le communiqué poursuit : « Nous soutenons ce mouvement du peuple iranien pour construire une société civile libre et indépendante – et nous condamnons toute violence et toute répression. »
Quelle différence entre cette déclaration et les discours de Moussavi et ses réformistes, même les plus radicaux ! Encore plus significative est la mobilisation des travailleurs de l’usine Iran Khodro, la plus grande entreprise du secteur automobile de tout le Moyen-Orient (100 000 salariés, dont 30 000 dans une seule usine). Le jeudi 18, ils ont organisé une action de grève en soutien au mouvement du peuple.
Voici l’intégralité du communiqué annonçant la grève :
« Nous déclarons notre solidarité avec le mouvement du peuple d’Iran. C’à quoi nous assistons aujourd’hui est une insulte à l’intelligence du peuple et à son vote. Le gouvernement bafoue les principes de la Constitution. Il est de notre devoir de nous joindre au mouvement du peuple. Aujourd’hui, jeudi 28/3/88, nous, travailleurs d’Iran Khodro, cesseront le travail pendant une demi-heure pour protester contre la répression des étudiants, des travailleurs et des femmes. Nous déclarons notre solidarité avec le mouvement du peuple d’Iran. La journée : de 10h à 10h30. La nuit : de 3h à 3h30. Les travailleurs d’Iran Khodro».
Ces deux déclarations et l’action de grève des travailleurs de Khodro sont très importantes. Ce sont deux des secteurs les plus combatifs de la classe ouvrière iranienne, et l’avant-garde du mouvement syndical qui commence à ré émerger. L’idée d’une grève générale a été soulevée, mais pas encore appliquée…
C’est la question décisive. En 1979, c’est la grève des travailleurs du pétrole qui a donné le dernier coup mortel au long processus de renversement du régime du Shah au sein d’une grève généralisée.
Le 1er juillet des milliers d'ouvriers d’une mine dans la province de Khouzestan ont commencé une grève et quand les forces de sécurité sont arrivées pour les disperser, les ouvriers ont crié « mort au dictateur ». Le 5 juillet les ouvriers de l’usine de canne à sucre de Haft Tapeh se sont remis en grève à nouveau, accusant les autorités de ne pas satisfaire leurs revendications précédentes. Nous pouvons encore continuer la liste…
Les discussions au sujet d'une grève se poursuivent et trois semaines après le début des protestations, une organisation qui s'appelle « Le Comité ouvriers pour la défense des protestations populaire » a publié un certain nombre de communiqués concernant l'organisation des manifestations, mesures de sécurité, conseils d’autodéfense face aux attaques des Bassiji, et des suggestions détaillées concernant la désobéissance civile.
C’est la voie proposée par des militants du mouvement ouvrier en Iran. Plus le temps passe, plus il devient urgent de changer des méthodes de protestations et diriger la colère populaire vers une voie des actions de type ouvrier et ainsi ouvrir la voie, comme en 1979 à une grève générale.
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