Iran
: la répression en marche
mercredi 1
juillet 2009
Face aux
manifestations, la République islamique s'est lancée dans
une répression à grande échelle.
Selon la Ligue
iranienne de défense des droits de l'Homme, le régime
iranien aurait procédé, en quinze jours, à plus de 2000
arrestations. De nombreux animateurs étudiants, des
militants ouvriers reconnus ou encore des journalistes font
partie des personnes incarcérées. Selon de nombreuses
sources, les détenus font l'objet de séances de torture
répétées. Plusieurs dignitaires haut placés du régime et des
dirigeants des pasdarans demandent que les émeutiers soient
condamnés à mort et exécutés, afin de « donner une leçon à
celles et ceux qui voudraient remettre en cause l'ordre et
la stabilité de la République islamique ». On dénombre plus
de 200 morts, des centaines de blessés et de personnes
portées disparues.
Pourtant,
l'ampleur de la répression n'a pas étouffé l’expression des
aspirations démocratiques de la jeunesse, des femmes et des
travailleurs iraniens. La contestation s'adapte au contexte
de répression, mais continue à faire feu de tout bois. Le
pouvoir tente de contenir la mobilisation et d'empêcher tout
rassemblement. Ainsi, les familles de manifestants tués ont
les plus grandes difficultés à organiser les cérémonies
d'enterrement.
A Téhéran, le
dimanche 28 juin a été le cadre de nouvelles manifestations.
Plus de 3000 manifestants se sont affrontés, plusieurs
heures durant, aux bassidjis et aux pasdarans. Selon des
témoignages, les forces de l'ordre n'ont pas hésité à
poursuivre les manifestants jusque dans les logements dans
lesquels ils avaient trouvé refuge. Plusieurs secteurs de la
capitale ont été bouclés par les gardiens de la révolution,
instaurant ainsi un véritable état de siège. Pour la
première fois, les officiers supérieurs des pasdarans
dirigeaient les opérations de manière visible. Chaque jour
connaît son lot d’initiatives de rue. Le lundi 29, la
population a tenté d’organiser une chaîne humaine traversant
Téhéran, du Sud (quartiers populaires et pauvres) au Nord
(quartiers aisées et riches).
Dans de
nombreuses villes, la population tente de manifester et
s'affronte régulièrement aux forces anti-émeutes, aux
bassidjis et autres nervis du régime. Face au degré de
violence imposé par le pouvoir, la population cherche
d'autres voies afin d'éviter la confrontation directe. Les
appels à la grève, y compris à la grève générale, sont
nombreux, mais la répression et l’absence de structure
syndicale indépendante freinent, pour l’instant, l’extension
du mouvement.
La répression ne
fait qu'accentuer la crise politique. L'appui apporté par le
Guide, Ali Khamenei, à Ahmadinejad a pour paradoxe
d'affaiblir le système politique. En déclarant que la
réélection d’Ahmadinejad était un « miracle divin »,
Khamenei a fini d’achever l’idée selon laquelle le Guide
serait le représentant du pouvoir divin. Khamenei a ouvert
une crise sans précédent au sommet du régime et il est
désormais en première ligne face aux manifestants. La
République islamique, qui a perdu toute légitimité
idéologique, ne tient plus que par la violence. Et,
situation inédite, les différents clans ne sont pas en
capacité de trouver un compromis.
Le peuple iranien
n’a que faire des dirigeants « réformistes » qui cherchent à
maintenir le cadre institutionnelle. La mobilisation
actuelle n’est pas l’expression d’un soutien à Moussavi,
mais bien la volonté du peuple d’en finir avec la République
islamique dans son ensemble. La brèche est ouverte et ce ne
sont pas les appels à l'unité et les dénonciations du
complot étranger qui mettront un terme à cette crise. Si le
peuple iranien rejette toute ingérence impérialiste, il
n'est pas disposé non plus à accepter plus longtemps un
pouvoir théocratique réactionnaire, brutal et corrompu. Plus
que jamais, les forces démocratiques, anticapitalistes,
anti-impérialistes et féministes doivent se trouver aux
côtés du peuple iranien.
Babak Kia
► Babak Kia est militant du Nouveau parti anticapitaliste (NPA, France) et de la IVe Internationale. Il
est également membre de la Solidarité avec les Travailleurs
en Iran. |