Nouveau parti anticapitaliste (NPA, France), Samedi 22 juin 2013
Iran : Derrière la « réforme », la crise…
Babak Kia
Pour une majorité d'électeurs et
électrices,l’élection présidentielle a été l'occasion
d'infliger un camouflet au Guide Ali Khameneï, premier
personnage de la République Islamique d’Iran et de prendre
une revanche sur la réélection frauduleuse d'Ahmadinejad en
2009.
Ainsi, Hassan Rohani, s’est imposé à la
surprise générale et dès le premier tour, face aux candidats
dits « principalistes » ou fondamentalistes proches du
Guide. Présenté comme « modéré », Rohani a été de 1982 à
1988 un membre influent du Conseil Suprême de Défense et de
1989 Secrétaire Générale du Conseil Suprême de Sécurité
Nationale, un des principaux organes répressifs du régime.
Il a été également le négociateur en chef sur le dossier
nucléaire sous la présidence de Khatami entre 2003 et 2005.
Membre du Conseil des Experts, une des plus haute instance
du pays, Rohani est un homme du sérail, garant des
institutions dictatoriales de la République Islamique.
Pour le régime ces élections devaient
être une vitrine de l’adhésion populaire à la République
Islamique. La « victoire » d’Ahmadinejad en 2009,
l’irruption dans la rue d’un vaste mouvement de contestation
que le pouvoir a écrasé et le bilan désastreux des années
Ahmadinejad ont réduit les marges de manœuvre du pouvoir.
Cependant, comme à l'accoutumée, le
scrutin s'est déroulé sous contrôle. Seuls ceux qui
reconnaissent les institutions de la République Islamique
peuvent se présenter. Et encore! Ainsi parmi les 800 actes
de candidature, le régime en a retenu 8. Au passage, les
candidatures de Rahim Mashaie (dauphin d'Ahmadinejad) et de
Rafsandjani (un des hommes clés de la République Islamique)
ont été refusées.
Dans ce contexte, la population a voté
pour le candidat qui apparaissait le moins lié aux
fondamentalistes. Ainsi, Saïd Jalilli, principal négociateur
iranien sur le dossier nucléaire ou Ali Akbar Velayati
conseiller personnel du Guide en matière de politique
étrangère ont été lourdement battu.
La division du camp fondamentaliste
(pas moins de 6 candidats) et le ralliement du candidat
« réformateur » ont certes favorisé la victoire de Rohani.
Pourtant cette élection est paradoxale. En réalité le Guide
et les Gardiens de la Révolution ont du laissé faire. Ils
entendent tirer partie de la situation en interne et sur le
plan internationale. Ils comptent sur Rohani pour désamorcer
un temps les tensions internationales autour du programme
nucléaire, pour éloigner le spectre d'une intervention
militaire israélienne contre les sites nucléaires et pour
obtenir un allègement des sanctions commerciales et
économiques. Sur le plan intérieur, le régime entend
utiliser la victoire de Rohani comme une soupape alors que
la jeunesse et une grande partie de la population souhaitent
en finir avec la République Islamique.
Mais cela indique avant tout que la
crise de régime s’est accentuée sous le dernier mandat
d’Ahmadinejad. En effet, après avoir marginalisé le camp
dit « réformateur », les proches du Guide se sont
entredéchirés. Ces quatre dernières années ont été marqué
par les tensions incessantes entre Khameneï et Ahmadinejad.
La crise au sommet traverse l’appareil d’état et le corps
des Gardiens de la Révolution dont la direction a
considérablement renforcé son emprise sur l’économie.
Cette crise de régime s'exacerbe à
mesure que le pays s'enfonce dans le marasme social et
économique. Avec plus de 60% de chômage chez les jeunes,
l'explosion des licenciements et une inflation à 40% le
mécontentement social est profond. Mécontentement qui se
traduit notamment par des grèves ouvrières toujours
réprimées. A cela s'ajoute évidemment la nature dictatoriale
de la République Islamique qui tend à réduire tous les
espaces de libertés. Dans ce contexte, le caractère
parasitaire des Gardiens de la Révolution qui contrôlent
près de 40% de l'économie iranienne et le détournement de la
rente pétrolière par les tenants du pouvoir contribuent
largement au rejet de ce régime et aux divisions de sommet.
Dans le système politique et
institutionnel de la République Islamique, le pouvoir est
détenu par le Guide, son bureau et par les Gardiens de la
Révolution. De la politique étrangère (soutien à la
dictature Al Assad), en passant par le dossier nucléaire, la
redistribution des ressources, tout est sous contrôle. Seule
l'irruption des couches populaires, des travailleurs et de
la jeunesse pourra mettre fin au régime dictatoriale et
réactionnaire de Téhéran. Les peuples d'Iran saisiront
toutes les possibilités pour mettre fin au règne de la
Mollahrchie. Ils ont besoin de notre soutien!
Babak Kia
► Babak Kia est militant du Nouveau parti anticapitaliste (NPA, France) et de la IVe Internationale. Il
est également membre de la Solidarité avec les Travailleurs
en Iran. |