Moussavi, un réformateur attaché à la République islamique
Humanité - Article paru le 22 juin 2009
Portrait de celui qui est devenu le symbole de la contestation en Iran. Entré en politique sous Khomeyni il fut premier ministre durant la guerre contre l’Irak.
Mir Hossein Moussavi se définit lui-même comme un « réformateur attaché aux principes » de la Révolution islamique de 1979. Il est vrai que son parcours ne dément pas cette - assertion. L’homme qui, aujourd’hui, fait figure de leader de l’opposition, est effectivement issu du sérail. Né le 29 septembre 1941 dans la province iranienne de l’Azerbaïdjan, il a été un des fondateurs du Parti islamique qui a soutenu l’ayatollah Ruhollah Khomeyni après le départ du chah. Il est nommé premier ministre en 1981, l’année ayant suivi l’attaque de l’Iran par l’Irak de Saddam Hussein.
À cette époque, le guide suprême se nomme Khomeyni et le président de la république islamique n’est autre qu’Ali Khamenei. Ce n’est pas faire injure à Moussavi que de dire qu’à cette époque il travaille en étroite collaboration avec les chefs des pasdarans, les gardiens de la révolution. Il a même tenu tête à l’époque au président Khamenei, sur la façon de gérer l’économie de guerre, notamment en défendant une étatisation des circuits économiques et un contrôle strict des prix. Il est vrai qu’étudiant il avait été influencé par la pensée de l’islamiste moderniste Ali Shariati critiqué par les ayatollahs, ses travaux étant considérés comme trop occidentaux, voire marxisants !
Moussavi sera néanmoins le dernier premier ministre de la République islamique : le poste sera supprimé à la mort de Khomeyni, en 1989. Une année importante pour l’Iran. Une page se tourne avec la disparition du vieil ayatollah, et les petits arrangements entre Khamenei et Akbar Hachemi Rafsandjani qui se répartissent les rôles. Le premier devient guide suprême (alors que ses titres religieux ne le lui permettaient pas), le second devient président de la République. Moussavi disparaît alors du devant de la scène mais ne reste pas inactif. Il devient conseiller de Rafsandjani jusqu’en 1997, puis de Mohammad Khatami, jusqu’en 2005, tout en étant membre du Conseil de discernement, un organe d’arbitrage des institutions dirigé par Rafsandjani. C’est dire si la discrétion, la voix douce et l’absence de charisme de cet architecte de soixante-sept ans sont trompeuses. C’est d’ailleurs cette position et cette attitude qui ont permis à Moussavi - que d’aucuns définissent comme un conservateur modéré - de rallier aussi bien les voix des partisans de Mohammad Khatami que celles des conservateurs proches d’Akbar Hachemi Rafsandjani, et donc de devenir tout naturellement leur candidat à la présidentielle.
Mir Hossein Moussavi - bénéficie d’une bonne réputation dans les cercles intellectuels. Architecte de formation, il dirige l’Académie des arts d’Iran, et son épouse, Zahra Rahnavard, qui a été conseillère politique de Khatami, se trouvait à la tête de l’université Al-Zahra de Téhéran… jusqu’à l’arrivée de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence. Celle-ci n’est sans doute pas pour rien dans la place que son époux a su trouver au sein d’un certain électorat féminin. Il dénonce l’arrestation de féministes, elle va plus loin en énonçant la volonté des femmes : « Nous voulons exister à part entière. »
Si Moussavi veut changer l’image de son pays et se dit prêt à un dialogue avec les États-Unis, en revanche, il est fidèle à la ligne officielle de la République islamique sur le dossier nucléaire iranien. Il se retrouve aujourd’hui symbole de la contestation. Mais personne ne sait vraiment jusqu’où il peut - et surtout veut - aller.
P. B.