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01 Mai 2010

Un 1er mai licencié en Iran

 

Article publié le 1er Mai par le blog “Dentelles et Tchador” et qui permet de donner un aperçu à la fois de la situation dramatique de la classe ouvrière en Iran, de la colère qui monte dans les lieux de travail et de l’absence de toute perspective de l’opposition interne du régime (Moussavi) pour améliorer le niveau de vie des ouvriers et en finir avec le régime islamique

 

Joyeux 1er mai à tous les travailleurs du monde entier! Joyeux fête du travail aussi à tous les employés iraniens qui bénéficient depuis près de cinq ans de la bonté et du savoir du populiste président Mahmoud Ahmadinejad, qui leur avait promis “d’apporter à leur table l’argent du pétrole”.

Pourtant, à y regarder d’un peu plus près, l’heure n’est pas vraiment à la joie en République islamique. Plusieurs activistes iraniens viennent ainsi d’annoncer que depuis le début d’année iranienne (commencée le 21 mars), les licenciements avaient augmenté de 50 %. Des espions payés par l’Occident dont le but est de renverse le Régime iranien, me diront certains. Attendez, ce n’est pas tout…

Un organe, cette fois officiel, à savoir le Conseil islamique du travail, a annoncé qu’il avait reçu 70 % de plaintes d’employés en plus, et que les ouvriers de Téhéran et d’autres grandes villes avaient souffert d’une hausse du chômage de 40 %.

Cette réalité a amené l’Ayatollah Khamenei, plus haute autorité du pays (Ahmadinejad puissance 5), à effectuer une déclaration hors du commun. Le Guide suprême iranien a en effet fustigé tous ceux qui ont racheté au gouvernement des usines pour ensuite revendre leur terrain et licencier leur personnel. Rien de bien méchant, me direz-vous? Le message est tout de même passé, surtout quand on sait que l’on ne peut pas se permettre de tout dire en République islamique…

Pourtant, ce serait plutôt la catastrophique gestion économique dont a fait preuve le président ultraconservateur durant quatre ans, l’accueil sans limite dans le pays des marchandises chinoises (allié indéfectible de Téhéran) et les trois vagues de sanctions internationales qu’Ahmadinejad a provoquées, qui seraient responsables de tous ces maux.

L’année dernière, plusieurs économistes et travailleurs activistes iraniens ont ainsi averti que les classes ouvrières du pays seraient les principales touchées durant cette nouvelle année, et que les entreprises ne seraient plus en mesure de payer leurs salaires.

L’ancien ministre du travail Abolghassem Sarhadi, a lui critiqué le manque d’action du gouvernement, avertissant que “s’il (le gouvernement) ne répondait pas à l’inflation galopante et aux demandes des travailleurs, la situation ne ferait que de se détériorer“.

De nombreuses grèves des travailleurs, parfois sauvagement réprimées, ont éclaté ces derniers mois dans diverses villes d’Iran. Les employés se plaignaient du non-versement de leur salaire, ou de la fermeture de leur usine, une situation à l’opposé de ce que leur avait promis leur président.

 Mais les travailleurs ne sont pas seuls dans leur fronde. Ainsi, le “modéré” Hashémi Rafsandjani, l’ancien président iranien et spécialiste de la volte-face entre opposition et pouvoir, vient d’encourager les activités des organisations travaillistes lors d’une visite dans la “Maison des Travailleurs”. Il a expliqué que ces activités créaient de l’espoir pour l’amélioration des conditions de travail.

Le Régime iranien a créé ses propres organisations syndicales islamiques, et interdit toutes les autres indépendantes. Il a notamment incarcéré le plus célèbre syndicaliste iranien, Massoud Ossanlou, condamné à cinq ans de prison ferme, et qui a eu la lèvre coupée en prison…

Mais cela n’a pas suffi à les faire taire. Ainsi, une organisation travailliste a annoncé que si le gouvernement iranien ne réagissait pas à temps, elle manifesterait devant le Parlement le 15 juin prochain, tout juste un an après la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence du pays. L’opposition iranienne a d’ailleurs annoncé qu’elle comptait descendre à nouveau pacifiquement dans la rue à cette date.

Et devinez qui a sauté sur l’occasion? MirHossein Moussavi bien sûr!

Le candidat vaincu de la présidentielle, désormais leader (malgré lui) de l’opposition, a appelé le mouvement des travailleurs, ainsi que celui des enseignants iraniens, à rejoindre le mouvement vert (d’opposition à la réélection d’Ahmadinejad). Beaucoup de professeurs iraniens se trouvent eux-aussi en dessous du seuil de pauvreté, et se sont faits arrêter parce qu’ils manifestaient pour de meilleures conditions.

Dans une vidéo postée à l’occasion du 1er mai, et de la journée nationale des Enseignants (2 mai), Moussavi a annoncé que l’Iran souffrait d’une “crise politique, économique et sociale généralisée qui affectait directement les vies des travailleurs et des enseignants du pays”. Le leader de l’opposition a ajouté que “la fermeture des journaux, les restrictions sur les activités des syndicats et des groupes politiques, ainsi que l’arrestation continue des activistes, influençaient le destin des travailleurs et professeurs”.

Puis le réformateur s’est directement adressé à ces derniers:

“il est vital que les professeurs et les travailleurs réalisent que les soucis auxquels ils doivent faire face dans leur vie quotidienne sont les résultats directs des problèmes qui frappent actuellement le pays”.

En réponse à ces déclarations, Farhad Khosrokhavar, éminent sociologue franco-iranien et grand spécialiste de l’Iran, directeur de recherche à l’EHESS, et auteur notamment de l’indispensable “Avoir 20 ans au pays des ayatollahs” (Robert Laffont), nous éclaire…

“Beaucoup de ces personnes (ouvriers) ne sont pas membres de ce mouvement (vert), car celui-ci n’a aucun message pour eux. A savoir la justice sociale, la construction d’une nouvelle société plus juste, équitable, qui donnerait du travail aux jeunes. Tous ces termes ont été marginalisés (par l’opposition) au profit d’autres (nouveau vote, liberté de manifester, libération des prisonniers politiques, presse libre). L’opposition n’a pas su proposer d’autre alternative à ce système (Ahmadinejad). Cela ne suffit pas de dire: “je veux rétablir un Etat de droit”. C’est une des erreurs des Réformateurs”.

En Iran, le leader de l’opposition a tout autant fait rêver que déçu. Ainsi, à la fin de son allocution, Moussavi n’a pas oublié de rappeler que le Mouvement vert souhaitait avant tout “revenir aux fondements de la Constitution”, et certainement pas à une Révolution (le drapeau de la République islamique affiché derrière lui ainsi que le portrait de son fondateur, l’Ayatollah Khomeiny le prouvent volontiers). “Si nous sentons que certaines parties de la Constitution manquent de pertinence, nous pouvons procéder à leur changement dans le cadre de celle-ci car la Constitution n’est pas absolue”. Le drapeau de la République islamique.

Eh oui, il ne faut pas oublier que le Réformateur MirHossein Moussavi, était Premier ministre durant la première décennie de la République islamique, qui a exécuté à l’époque plus de 8 000 prisonniers politiques. Avant de mourir, les jeunes femmes, parfois mineures, étaient violées par leurs geôliers pour qu’elle n’atteignent jamais le paradis.

Un groupe de prisonniers politiques iraniens détenus dans la sinistre prison d’Evin (Téhéran), vient d’annoncer qu’il entamait une grève de la faim en solidarité avec les travailleurs et enseignants iraniens. Ils ont notamment condamné dans le communiqué la “tentative systématique par le gouvernement iranien d’appauvrir les classes populaires et de les éloigner des mouvements sociaux grâce aux dons du gouvernement”.

Il est vrai que Mahmoud Ahmadinejad a multiplié au cours du dernier mois de sa première présidence (mai 2009) l’envoi de tavelers’ chèque de 40 euros à tout citoyen qui lui réclamait de l’aide, afin d’encourager sa réélection. Sous ces conditions, ont écrit les prisonniers politiques: “parler des droits des travailleurs est tout aussi ridicule que de parler des droits de l’homme dans les prisons iraniennes”.

Malgré les menaces et intimidations gouvernementales, plusieurs organisations travaillistes ont prévu de se réunir aujourd’hui en face du Ministère du travail à Téhéran. Parallèlement, le mouvement Where is my vote basé à Paris (comité indépendant contre la répression des citoyens iraniens) a décidé de montrer sa solidarité avec les travailleurs iraniens en participant au grand défilé du 1er mai dans la capitale française. Le rendez-vous a été donné à 13 heures, place de la République, à l’angle du boulevard Voltaire.

DERNIÈRE MINUTE :

Selon le compte Twitter de Reza Sayah , reporter sur l’Iran de CNN basé à Islamabad (Pakistan), les “forces de sécurité iraniennes ont attaqué une foule d’environ 200 personnes réunies devant le Ministère du travail et qui scandaient “Mort au Dictateur”. Selon le reporter, “des milliers de forces de sécurité avaient été dépêchées de la place de la Révolution jusqu’au Ministère du travail”. “Plusieurs personnes auraient été battues, au moins cinq arrêtées”.

 

 

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