our
pallier tout risque de mouvement de protestation
populaire, les forces de police anti-émeutes ont été
dépêchées en surnombre dès hier soir à chaque grande
intersection de la capitale afin d’éviter une situation
comparable à celle de juin 2007, quand des émeutes
avaient éclaté après l’annonce de la mise en place d’un
plan de rationnement d’essence.
Samedi
soir, le président Mahmoud Ahmadinejad a annoncé lors
d'une intervention télévisée la mise en œuvre du plan,
qualifié de "chirurgie économique", en soulignant qu'il
s'agissait du "plus grand et plus populaire plan
économique du pays".
Le
gouvernement, qui a préparé l'opinion depuis plusieurs
mois, a décidé d'appliquer ce plan pour rendre réels les
prix des produits de première nécessité, malgré les
mises en garde d'une partie des conservateurs contre les
effets inflationnistes, l'augmentation du chômage et le
risque d'éventuels troubles sociaux.
Selon
le communiqué officiel, le prix du quota de 60 litres
d’essence par mois accordé à chaque automobiliste est
passé à minuit de 0,10 dollar le litre à 0,4 dollar,
soit une multiplication par quatre. Au-delà de ce quota,
les automobilistes devront payer le litre à 0,70 dollar
au lieu de 0,40 dollar précédemment, soit une
augmentation de 600%. Le prix du gazole est de son côté
multiplié par neuf, passant de 0,0165 dollar à 0,150
dollar.
Mais il
n’y a pas que l’essence qui soit visée par ce plan. Les
prix de l’électricité, de l’eau et du gaz vont, de leur
côté, être multipliés par un chiffre allant de trois à
cinq, selon un système par palier tenant compte de la
consommation des ménages.
Selon
les estimations officielles, les subventions
gouvernementales sur les produits énergétiques et
alimentaires coûteraient chaque année au gouvernement
quelque 100 milliards de dollars, mais elles
permettaient jusqu’ici à chaque famille iranienne
d’économiser 4 000 dollars par an, selon le
Fonds monétaire international(FMI). Soit davantage
que le revenu moyen d’un Iranien, qui s’élève à 3600
dollars par an.
Le
Fonds monétaire international a accueilli favorablement
la mise en place de ce plan, comme un moyen de
rééquilibrer l’économie iranienne en difficulté. « Si
tout se passe comme prévu par le plan, la stratégie
devrait servir le double objectif de générer davantage
de revenus pour le pays et de mettre un terme au
gaspillage de l’énergie », avaient déclaré en septembre
dernier sur le site du
Fonds monétaire international le chef de mission
Iran du FMI Dominique Guillaume, ainsi que l’économiste
Roman Zytek. Selon l’organisation, la suppression des
subventions pourrait générer dès la première année un
revenu de 20 milliards de dollars pour le gouvernement
iranien, mais elle pourrait également se traduire par
une certaine augmentation des prix.
Pour
compenser la hausse des prix, le gouvernement envisage
reverser une partie des économies attendues sous forme
d'aide directe à la population.
Selon
les chiffres officiels, quelque 60,5 millions d'Iraniens
(sur 74 millions) reçoivent tous les deux mois 890.000
rials (89 dollars) sur leur compte bancaire, ce qui
représente 2,5 milliards de dollars par mois pour le
budget de l'Etat.
Fereydoun Khavand un économiste ultra libéral dit : « 39
$ par mois vont-ils permettre aux Iraniens de compenser
une telle hausse des prix ?”, se demande l’économiste.
“Surtout quand on sait que lors de son discours télévisé
d’hier soir, le président Ahmadinejad a demandé à la
population de ne pas dépenser cet argent mais de
l’investir ».
Il
ajoute : « Officiellement, l’inflation en Iran s’élève
aujourd’hui à 10%,. Mais certains experts considèrent
qu’elle est en réalité de 20%. Avec la suppression des
subventions, on pourrait atteindre les 30%, sans compter
que les nombreuses entreprises qui bénéficiaient des
subventions sur l’essence, risquent de ne pas pouvoir
supporter les nouveaux coûts, et de devoir mettre la clé
sous la porte ».
avoue
Fereydoun Khavand. «En outre, cette réforme ne devrait
pas être isolée, mais articulée autour d’autres. Par
exemple, celle du dollar, lui aussi subventionné en Iran
depuis plusieurs années, afin que le peuple ne ressente
pas de hausse des prix sur les produits étrangers
importés en Iran. Or un dollar à un taux maintenu
artificiellement bas handicape l’Iran pour ses
exportations. D’autre part, l’Iran a besoin d’autres
réformes politiques et économiques de fond, comme la
privatisation de ses entreprises, qui appartiennent
toujours en majorité à l’État ».
M.
Khavand, politiquement un réformiste et naturellement
n’aime pas de tout Ahmadinejad Il croit que le président
iranien pourrait s’attirer les faveurs des élites, qui
lui font cruellement défaut aujourd’hui. Et ironie du
sort, cette idée ne viendrait en réalité pas de lui, qui
y était même tout d’abord farouchement opposé. Il
ajoute :
« L’idée de la réforme des subventions vient des
technocrates réformateurs lors du 3ème plan
quinquennal (2000 à 2004) de la présidence du
Réformateur Mohammad Khatami, révèle l’économiste. Mais
celui-ci n’a jamais eu le courage de le mettre en œuvre,
notamment en raison de la farouche opposition à l’époque
du Guide suprême et des ultraconservateurs. Aujourd’hui,
Mahmoud Ahmadinejad, qui a éliminé ces technocrates de
la politique iranienne, et qui se considère lui-même
comme l’ennemi numéro un du libéralisme dans le monde,
adopte une réforme des plus libérales qui soit ».
Le
principal quotidien économique Donaye Eghtessad,
farouchement néo-libéral qui soitien la fraction dit « reformiste »
du régime, a salué dimanche ces mesures, dans un
éditorial intitulé "Libération de la drogue
protectionniste" :
"Nous
devons abandonner 50 années d'habitude", où nous
"dépens(ions) les avoirs du pays pour maintenir les prix
artificiellement bas", écrit-il. Nous y voila la
convergence absolu de gentils réformistes et méchants
conservateurs.
Par
contre, Fariborz Raïsdana un économiste de tendance de
gauche iranien la veille a expliqué à la Radiob
BBC persian que le plan gouvernemental pénaliserait
uniquement le peuple:
“Ce
chemin qu’a emprunté le gouvernement Ahmadinejad n’aura
pas de conséquence positive pour la croissance
économique. Il n’aura pas de conséquence positive pour
le bien-être du peuple(…) Mais cette politique aidera
par contre le gouvernement”.
“Parce
qu’il veut uniquement développer quelques segments des
secteurs d’investissement privé et public lui
appartenant, comme aujourd’hui l’industrie militaire, ou
par le passé les investissements relatifs au Clergé. Il
souhaite que ce soit ceux-là qui sortent vainqueurs”.
“Les
conséquences de cette politique à long terme vont à
l’encontre du peuple. Mais le gouvernement dispose
d’outils pour lutter contre le mécontentement. Quels
sont-ils ? Actuellement 40 000 toumans(40 dollars) sont
versés à chaque individu. Demain, ils vous menaceront de
ne plus vous verser cette somme. Demain, si vous ne vous
rendez plus aux urnes, ils cesseront de vous payer(…)”.
Vous
comprenez maintenant pourquoi un économiste peut se
trouver en prison en Iran.
Qu’ils
se proclament « islamiste » ou « démocratique », que ce
soit en Occident ou au Moyen-Orient, les Etats en place
sont avant tout des Etats bourgeois, c’est à dire des
instruments d’oppression entre les mains de la classe
capitaliste contre les travailleurs. Et partout dans le
monde, n’importe quel travailleur salarié peut constater
une même politique de la part de « son » gouvernement,
les attaques contre le niveau de vie des travailleuses
et des travailleurs. C'est la
balance de pouvoir qui
détermine les moyens.