
Le 23 Septembre 2010
Il
s’agit de la livraison, à partir de l’Ukraine à
destination de l’Iran, de missiles balistiques X-55
capables de porter des charges nucléaires en violation
de toutes les conventions internationales. […] Derrière
ce contrat pourrait se trouver tout bonnement l’ancien
vice-président américain, l’influent républicain Dick
Cheney. Si Bout parle, un nouvel ‘Irangate’ est tout à
fait possible.” Et les républicains, coupables d’avoir
fourni des armes stratégiques au principal ennemi de
l’Amérique et d’Israël, en feraient les frais aux
prochaines élections
Secrets à vendre
Beaucoup de gens ont fait carrière et
fortune sur mon dos”, se plaint Viktor Anatolievitch
Bout, 43 ans, depuis sa prison thaïlandaise. Il attend
une extradition imminente vers les Etats-Unis, où il
risque la détention à perpétuité pour terrorisme. Les
services de sécurité américains avaient monté en
mars 2008 une vaste opération pour faire arrêter à
Bangkok cet ex-officier de l’armée de l’air soviétique
reconverti dans le business du transport aérien au
moment de la chute de l’URSS. Si la Russie n’a rien à
reprocher à son ressortissant, Bout, placé sous mandat
d’arrêt international, est dans le collimateur des
justices belge et – surtout – américaine. Les Nations
unies le suspectent d’avoir réalisé pas moins de
38 livraisons illégales d’armes dans des régions en
crise d’Asie et d’Afrique. Pour Washington, Bout est un
“marchand de mort” de la pire espèce. L’interprétation
par l’acteur américain Nicolas Cage du rôle d’un
marchand d’armes inspiré de la vie de Viktor Bout [Lord
of Wars] a popularisé sa réputation sulfureuse.
Cette opinion n’est guère partagée par ses concitoyens,
auxquels Bout a répondu dans le quotidien en ligne
moscovite Gazeta.ru. Des internautes
manifestent même leur solidarité envers cet
“entrepreneur russe”. Bout se défend de toute activité
criminelle et dénonce un acharnement médiatique et
judiciaire. Il nie tout lien avec les services secrets
russes mais affirme que, à travers lui, c’est la Russie
tout entière qui est visée. “Mon arrestation relève
de la géopolitique, s’exclame-t-il. En 1995-1996, le
business russe du transport aérien en Afrique était bien
développé. Les agents des services de renseignement
étrangers en Afrique ont pensé que la Russie pouvait les
déloger de la région.” Bout se pose en victime
d’agents américains “incapables d’arrêter Ben Laden”.
Par ailleurs, il a “entendu dire qu’un scandale
grandissait aux Etats-Unis concernant les millions de
dollars utilisés par les services américains pour [le]
traquer”. Reste que “tout a commencé avec le
rapport de l’inspecteur des Nations unies chargé de la
lutte contre le trafic d’armes, le Belge Johan Peleman,
qui était intéressé par l’argent que l’ONU consacrait à
cette enquête”. Certes, Bout reconnaît avoir
convoyé des armes, “mais il s’agissait de livraisons
officielles à des gouvernements officiels”.
En fait, Bout a travaillé avec de nombreux Etats,
souligne Itogui. “Déjà, en 1993-1994, des
appareils appartenant à Viktor Bout, alors âgé de
27 ans, ont transporté un contingent militaire français
au Rwanda et un contingent belge en Somalie. Ses avions
ont participé au déploiement de Casques bleus au
Timor-Oriental et livré des cargaisons militaires en
Irak et en Afghanistan, sur commande des forces
américaines”, rapporte l’hebdomadaire russe. Or
Bout travaillait avec tous les camps et, lorsqu’il
livrait des armes en Afghanistan, c’était aussi bien au
gouvernement et au commandant Massoud qu’aux talibans et
à Ben Laden. Mais pourquoi les Etats-Unis veulent-ils
aujourd’hui le récupérer ? Hypothèse surprenante, Itogui
invoque des raisons de politique intérieure américaine.
“Les démocrates américains ont visiblement besoin de
Viktor Bout en tant que témoin principal dans une
affaire datant de 2001. Il s’agit de la livraison, à
partir de l’Ukraine à destination de l’Iran, de missiles
balistiques X-55 capables de porter des charges
nucléaires en violation de toutes les conventions
internationales. […] Derrière ce contrat pourrait se
trouver tout bonnement l’ancien vice-président
américain, l’influent républicain Dick Cheney. Si Bout
parle, un nouvel ‘Irangate’ est tout à fait possible.”
Et les républicains, coupables d’avoir fourni des armes
stratégiques au principal ennemi de l’Amérique et
d’Israël, en feraient les frais aux prochaines
élections…
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