Inprecor N°
520, 2006-09-10, Politique générale (139 I)
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IRAN
Sur
la nature du régime iranien
Houshang Sepehr
L’actuel régime Islamique en Iran est une des dictatures les
plus répressives et brutales du monde. Suite à son
accession au pouvoir après la révolution de 1979, le
régime théocratique a immédiatement entrepris d’étouffer
les justes aspirations démocratiques des peuples
iraniens. En ce qui concerne les droits les plus
élémentaires, la situation en Iran est certainement bien
pire qu’elle ne l’a jamais été dans l’histoire récente.
Dans la République Islamique d’Iran, il y a aujourd’hui,
beaucoup plus de prisonnier politiques, d’arrestations
arbitraires et d’exécutions sommaires, une pratique de
torture physique et psychologique beaucoup plus étendue,
un respect des libertés politiques et des droits de
l’Homme beaucoup moins grand et une forme de censure et
de répression des libertés artistiques et
intellectuelles beaucoup plus flagrante que jamais
auparavant.
La classe ouvrière est privée des droits les plus
fondamentaux tel que le droit d’association, de
négociation collective et de grève. Les femmes sont
confrontées à une oppression sans précédent avec les
lois moyenâgeuses et réactionnaires du régime religieux
qui les réduisent officiellement au rang de citoyens de
seconde. Elles subissent de plus en plus d’actes de
violence et sont généralement considérées comme la
« source principale du mal » sur la terre. Tous les
droits des minorités nationales et religieuses sont
supprimés. Le régime mène une politique d’occupation
militaire de leurs régions et utilise les méthodes de
répression les plus brutales pour écraser leur
résistance.
Néanmoins, l’opposition populaire aux atrocités par le régime
islamique grandit. Les ouvriers, les femmes, les
étudiants, les intellectuels, les minorités nationales
et toutes les couches de la population opprimée ont
résisté contre ces attaques et ont continué à lutter
pour leurs revendications malgré la riposte extrêmement
dure et violente de l’Etat. Pour l’actuel régime, le
seul moyen de maintenir sa mainmise sur le pouvoir
réside dans sa capacité d’imposer les formes de
répression politique les plus brutales à l’immense
majorité de la population.
Mais malgré tout
cela, depuis la révolution 1979, on constate que ce
régime, continue à « tromper » beaucoup d’observateurs
occidentaux, notamment dans certains milieux d’extrême
gauche. La confusion intrinsèque sur la nature du régime
se situe précisément dans le fait qu’il est parfois
considéré comme un régime post-révolutionnaire.
On entend souvent l'argument suivant : bien que ce régime
soit mauvais, dictatorial et rétrograde, il est
néanmoins issu d'une révolution contre la dictature de
Shah. D’une façon ou d'autre, cette logique mécaniste et
simpliste est alors employée pour accorder un certain
air de progressivité à un régime qui pour n'importe quel
observateur même avec un sens politique moyen n'est
rien d’autre qu’un alliage entre capitalisme
libéral et théocratie semi-fasciste.
Les apologistes de la République Islamique, depuis 1979, ont
constamment recouru à de telles analyses simplistes pour
lustrer le caractère brutal et moyenâgeux de ce régime
capitaliste sans pareil dans l'histoire moderne. Ce que
tous apologistes ne mentionnent pas est le fait que, oui
il est vrais que ce régime est en effet sorti d'une
révolution, mais comme une contre-révolution
en défaisant cette révolution, en écrasant le mouvement
de masse qui avait renversé le régime de Shah et en
établissant son propre ordre bien plus réactionnaire
que celui qu'elle a remplacé.
Aujourd’hui, le même régime qui, devant le monde entier,
collabore en Afghanistan et en Irak avec George Bush,
fait de son mieux pour envoyer la société iranienne
entière vers le moyen âge.
Ainsi ce prétendu régime post-révolutionnaire qui n’est
qu’une contre-révolution est à la fois: un thermidor, un
concept très cher à notre mouvement, plutôt de gendre
stalinien (que celui de la révolution française), et
une version tiers-mondiste au fort relent d’islam
intégriste!
Aujourd’hui, 27 ans après cette événement, un fait bien
documenté nous rappelle qu’au milieu de l’année 1979,
qu’au niveau supérieur des cercles bourgeois
internationaux et iraniens (la conférence de Guadeloupe
et à Neuf-le-Château), les puissances concernés étaient
arrivées à un compromis simple : vous vous débarrassez
de la révolution et nous nous débarrassons de Shah !
gagnant-gagnant, c’est comme ça on dit dans le
Business !
Rafraîchir-nous la mémoire. La révolution iranienne de
1977-79 était l'une des révolutions les plus importantes
du 20e siècle, avec un degré incroyable de
participation des masses qui a duré deux ans. Pendant
les quatre derniers mois menant à l'insurrection en
février 1979 il y a eu une grève générale impliquant
plus de 4 millions d'ouvriers. Les comités de grève
avaient pris naissance partout et les comités de
voisinage contrôlaient la plupart des secteurs urbains.
La nuit de l'insurrection dans Téhéran on a estimé que
plus de 300.000 revolvers et mitrailleuses ont été
dévalisés de diverses casernes militaires et distribués
à la population. Ce n’est pas étonnant si la
contre-révolution était également l'une des
contre-révolutions les plus vicieuses et les plus
sanglantes de l'histoire récente.
On surnommait le
dernier
Shah d’Iran, à
juste titre, « le boucher du Moyen-Orient ! » En presque
40 ans
de règne
dictatorial, environ 500 prisonniers politiques ont été
exécutés. Le nouveau régime, dans ses 10 premières
années uniquement, et avec l’estimation la plus basse, a
exécuté plus de 40.000 prisonniers politiques, tous les
dirigeants et les activistes de la révolution 1979.
Si ce n’est pas un thermidor, quoi d’autre ce peut
être ?
Les résultats historiques de cette contre-révolution sont
également sous nos yeux. Si pendant la dernière décennie
du règne du Shah un groupe d'environ 100 familles
employait la puissance d'état pour monopoliser
l'économie iranienne tout entière, ceci a été maintenant
réduit à moins de 60 familles. Si le Shah permettait, à
un certain degré limité, un syndicalisme jaune et docile
de fonctionner dans son royaume, la République Islamique
ne peut même pas tolérer la représentation d'ouvrier
dans un système de trilatéral comme l’Organisation
Internationale de Travailleurs, un organisme qui gère
les intérêts du capitalisme. Seule des associations
islamiques contrôlées par les mosquées locales ou les
groupes paramilitaires local sont permises.
Aujourd’hui en Iran la majorité de la population est
officiellement sous le seuil de pauvreté. C'est un pays
riches en ressources naturelles, qui a presque quadruplé
ses recettes de ventes de pétrole au cours des 10
dernières années, (120 milliards de dollars en 2005 et
2006).
Jamais dans l’histoire de L'Iran, le fossé qui sépare les
plus riches des plus pauvres n’a été si grand. Avec 10
millions de chômeurs pour une population de 70 millions,
quelques 15 millions d’iraniens vivent sous le seuil de
pauvreté. Plus de 4.5 millions d’Iraniens vivent avec un
dollar par jour. La vente des reins ou d’autres organes
est maintenant la plus grande source de revenu pour les
pauvres urbains.
Dans une telle situation le régime, partisan d’un libéralisme
sauvage, a, à plusieurs reprises, modifié le Code du
travail pour le rendre plus favorable aux patronats.
Dernier exemple: les entreprises de moins de 20
personnes ont été exemptés de l’application du Code du
travail pour ce qui est de la couverture sociale ou de
la nécessité de justifier une décision du renvoi. En
approuvant cette loi, qui concerne plus de 80% de la
force de travail, dont la majorité sont des femmes, le
régime a renforcé l'atmosphère de discrimination dans le
milieu du travail, et a renforcé la double exploitation
des femmes. En ce moment, il y a des dizaines de
milliers d'ouvriers dont les salaires n'ont pas été
payés depuis un an. Il n'y a absolument aucune
protection en vertu de la loi pour presque 85% de la
main-d'oeuvre.
Le
taux de suicide parmi la classe ouvrière iranienne est très élevé atteignant un niveau beaucoup plus
important en comparaison de l’Europe de la révolution
industrielle.
Quant à l’anti-impérialisme de la République Islamique, un
mythe très chère à certains groupes radicales et
révolutionnaires… Le régime capitaliste-islamique n'a eu
absolument aucun problème à négocier avec l'impérialisme
USA et même avec Israël par l'intermédiaire de George
Bush senior. Oublions les rhétoriques quotidiennes
anti-terroristes développées par les médias
internationaux. Tout le monde sait que sans l’accord et
l’appui du régime de Téhéran, les Etats-Unis ne
pourraient rester ni en Afghanistan ni en Irak. George
Bush peut accuser l'Iran de déstabiliser l’Irak, tandis
que le régime iranien peut blâmer la menace de la guerre
pour supprimer toute opposition dans le pays. Voyons
justement comment la crise nucléaire a aidé tous les
deux : le régime iranien veut se racheter dans le monde
musulman après sa collaboration avec l'impérialisme
d’USA dans l’occupation de deux pays voisins. Et
l'impérialisme d’USA, veut justifier non seulement son
occupation militaire de la région tout entière mais
également augmenter sa présence et intensifier sa
menace.
Mais même ces faits incontestables et durs ne résolvent pas
la difficulté des apologistes de régimes. La raison se
trouve dans l’incapacité de ces gens là à prendre en
compte la spécificité de la révolution iranienne :
le thermidor : c’est-à-dire cette vérité
historique que c’était la même force
contre-révolutionnaire qui a participé réellement au
mouvement révolutionnaire elle-même. D'une manière vous
pourriez même dire que c’est un paradoxe si c’est elle
qui a assuré la conduite de cette révolution. Voyons
comment peut être possible ! ?
Il y a naturellement une réponse simple à cette question.
Afin de pouvoir contrôler la révolution et l'écraser
ultérieurement ils ont dû la mener. Et il y a plus qu'un
élément de vérité en cela. En détournant la colère des
masses contre l'impérialisme USA et la classe dominante
de nouveaux capitalistes autour de Shah, vers l’impasse
d'une idéologie moyenâgeuse anti-Occidentale et
anti-infidèle, ils sont réussi à dissimuler des masses
leur propre nature réactionnaire de classe. Mais les
raisons réelles de cette contradiction apparente se
trouvent dans le caractère spécifique de la classe
régnante iranienne et des changements qu'elle a subis
après la révolution dite « blanche » du Shah, durant les
années soixante.
On peut dire que les révoltes des pauvres urbains en 1976 et
leurs nombreuses confrontations avec les forces
militaires du Shah étaient les premiers signes du début
de la crise révolutionnaire en Iran. La force motrice de
ce mouvement était les masses révolutionnaires
progressistes rassemblant des ouvriers, des paysans
pauvres, les habitants des bidonvilles des périphéries
des grandes villes, les étudiants, des jeunes femmes, et
une partie importantes des minorités nationales. Tous
revendiquaient de la justice, de la liberté et de
l'indépendance.
La spécificité très particulière de la révolution iranienne
qui la distingue des autres est que un an après ces
premiers signes, au début 1977, par opposition à ces
forces révolutionnaires progressistes apparu également
d'autres masses « islamiques » très rétrogrades mais
bien organisées et menées par une faction de la
hiérarchie shiite en coalition avec un groupe puissant
de négociant du bazar. Ce bloc se composant d'une
coalition décousue de divers courants politiques
bourgeois religieux, allant des libéraux aux
fondamentalistes religieux. Cette deuxième force a eu
l'appui de masse dans les sections traditionnelles et
numériquement significatif de la petite bourgeoisie
urbaine et rurale grâce à ses divers réseaux religieux
et caritatifs liées à la mosquée locale, qui pouvait
également mobiliser l'appui des pauvres et du lumpen-
prolétariat.
Rapidement, cette deuxième force très rétrograde et
réactionnaire s'est avérée plus puissante que les masses
révolutionnaires. Leurs dirigeants avaient déjà établi
le Conseil secret de la révolution islamique qui avait
négocié avec succès le transfert du pouvoir avec les
USA, patron du Shah, et à l’intérieur avec les forces
royales d'armée et de sécurité. L'insurrection a eu lieu
parce que les commandants de la garde royale n'ont pas
respecté cet accord et ont mobilisé leurs unités pour
écraser les casernes pro révolutionnaire de l'Armée de
l'Air à Téhéran. Réagissant à cette attaque, les sous
officiers de cette caserne ont distribué les armes à la
population qui a mené l’insurrection armée quelques
heures plus tard.
Le bloc qui a pris le pouvoir, a non seulement sauvé l'état
bourgeois d'une destruction presque certaine mais a
également renforcé les forces réactionnaires par
l'addition d'une multitude de groupes paramilitaires
nouveaux mobilisés de manière permanente, comme l'armée
des gardiens de la révolution islamique (pasdaran) ou
les corps de mobilisation (basij). Très rapidement il a
désarmé et écrasé le mouvement révolutionnaire de masse
et a décapité ses dirigeants. Au début il a collaboré
avec les fractions libérales de l'opposition bourgeoise
anti-shah mais dès qu'il a consolidé son propre pouvoir
il a poussé toutes les autres fractions hors du pouvoir.
Il a ouvertement établi un régime islamique
théocratique. Aujourd’hui, 27 ans plus tard, c’est
toujours ce même bloc qui détient le pouvoir en Iran.
Un aperçu rapide et bref de l’histoire de ce conflit avec le
Shah montre clairement la nature réactionnaire de ce
bloc. Commençons par le clergé. Depuis le 17ème siècle
la hiérarchie shiite était historiquement une partie
bien établie de l'état asiatique despotique traditionnel
en Iran. Elle contrôlait, entre autres, l'éducation et
l'ordre judiciaire. Elle possédait ses propres
propriétés foncières et sa propre source d'imposition
sur la population, elle avait ses propres troupes armées
de collecteurs. A la fin du 19e et au début
du 20e siècle, une faction puissante de cette
hiérarchie a commencé à s'engager ouvertement dans la
politique et s’est opposée aux réformes bourgeoises de
l'état. On peut dire, qu’ils étaient les ancêtres
idéologiques de Khomeiny. Parmi eux étaient certains des
mollahs les plus réactionnaires de l’époque. Certains se
sont ouvertement associés à l'impérialisme russe et
britannique. Ce groupe s’est opposé à Mozaffaredin Shah
(1853-1907) et à la Révolution Constitutionnelle de
1905-06. Son mot d’ordre, aujourd’hui glorifié par
régime actuel était : Non à la légitimité
constitutionnelle ! Oui à la légitimité islamique !
D'une manière très semblable à ce qui s'est produit en
révolution 1979.
Ils se sont opposés à la révolution parce qu'ils étaient
réactionnaires et ils se sont opposés à la réaction
régnante de l’époque parce qu'ils représentés la vieille
réaction, dont l’existence était menacée par un nouveau
rival. Une réaction ayant une apparence plus moderne ou
plus bourgeoise. Une ressemblance avec ce qui a eu lieu
dans l'église catholique qui a éclaté en factions,
opposées ou alignées avec les nouvelles relations
capitalistes. Une dissolution semblable a eu lieu à
l'intérieur de la hiérarchie shiite. À côté des mollahs
soutenant les réformes constitutionnelles il y avait les
fondamentalistes qui ont voulu une règle islamique.
L'impérialisme britannique a eu des agents dans les deux
camps, ce qui est « compréhensible » !
Ainsi, les ancêtres idéologiques de Khomeiny étaient
simplement contre le concept « de citoyenneté », contre
le droit de vote. En un mot, ils considérés la
démocratie comme une corruption occidentale conçue par
Infidèles pour détruire l'Islam. Bien qu'après la
victoire de la révolution constitutionnelle, les chefs
de cette faction aient été pendus devant le nouveau
parlement, la défaite de cette révolution peu d'années
après a renforcé cette faction réactionnaire aux dépens
de la section plus progressiste. Après la révolution
russe, les intérêts de l'impérialisme britannique ont
été mieux servis par un Etat-nation centralisée
construit d'en haut, qui pouvait se lever contre la
menace bolchevique. L'accession au pouvoir de Reza Shah
et ses réformes d'état, a poussé cette faction au
conflit direct avec l'état. Le soutien de l’occident à
Reza Shah et à son fils a donné à cette faction très
rétrograde un nouveau bail dans la vie politique. La
faction progressiste a disparu, emportée par la
corruption et a était intégrée au nouvel état bourgeois.
Le dernier coup contre l’infrastructure de l'état asiatique
était la prétendue « révolution blanche » du Shah. Au
début des années soixante, sous la pression de
l’administration Kennedy, le Shah annonça quelques
mesures de libéralisation et quelques réformes,
englobées pompeusement sous le nom de “Révolution
Blanche”. Cela minait sérieusement le rôle, le prestige
et surtout le pouvoir matériel du clergé, grand
propriétaire terrien. C’est alors que la faction
réactionnaire a fortement donné de la voix. Khomeiny,
alors un ayatollah de second rang, se lança dans
l’opposition ouverte contre la “Révolution de palais”.
Certes une partie des religieux se sentait sans doute
lésée par les projets de réforme agraire, mais Khomeiny
axa ses anathèmes surtout contre le projet de loi
électorale qui donnait aux femmes le droit de vote, et
aux minorités non musulmanes l’accès aux postes publics.
Il déclarait y voir un “complot des impérialistes et des
sionistes”.
Mais le Shah traita tous les mollahs de “sodomites” et
d’agents à la solde des Britanniques". Khomeiny, lors
d’un discours incendiaire, dénonça alors publiquement le
monarque. Son arrestation, le 3 Juin 1963, déclencha des
émeutes et des manifestations de masse que le Shah fit
réprimer dans un bain de sang. En 1964, Khomeiny,
relâché, lança de nouveau des attaques, cette fois
contre des privilèges accordés aux Américains vivant en
Iran. L’impérialisme américain, ennemi n° 1 de tous les
musulmans, devint un de ses principaux thèmes. Du coup,
il fut envoyé en exil, d’abord en Turquie, puis en Irak
et finalement à Neuf Le châteaux, en banlieue de Paris.
Khomeiny qui a mené la révolte contre les réformes du Shah
était déjà une figure connue dans les cercles islamiques
avant le coup d’état militaire de 1952 organisé par la
CIA qui avait renversé le gouvernement de Mossadegh et
remis le Shah au pouvoir. Il prônait déjà l'opposition
aux « infidèles occidentaux » et avait déjà publié son
projet politique dans un livre intitulé « l’Etat
islamique ». Simplement parce que la hiérarchie chiite
dans l'ensemble a trahi Mossadegh et pris la défense du
coup d’état, il s’est tenu à l’écart. La révolution
blanche lui a donné la possibilité de marginaliser la
hiérarchie tous ensemble en faveur de sa propre faction.
Quant à la deuxième partie du bloc, les grands commerçants de
bazar, ils étaient également une partie de la classe
régnante depuis plus d'un siècle. À l'heure de la
révolution blanche du Shah ils ont eu la domination
complète sur le secteur privée de l'économie iranienne.
Ils ne ressemblaient nullement à une version iranienne
de la prétendue bourgeoisie nationale. Cette couche qui
traditionnellement avait des liens très étroits avec la
hiérarchie shiite, a volontairement soutenu le coup
d’état de 1952. Cependant elle a été fondamentalement
menacée par les réformes du Shah. Au cœur de la
« révolution » du Shah il y avait une tentative
d'industrialisation limitée basée sur la production des
biens de consommation pour le marché intérieur sous
licence de compagnies étrangères. Ceci a directement
menacé les intérêts des couches marchandes. Le
gouvernement avait déjà introduit des taxes à
l'importation pour réduire leurs activités. Le nouveau
groupe de capitalistes « industriels » qui s’est
développé autour de la cour royale a peu à peu poussé la
couche traditionnelle hors de la classe régnante et a
établi sa propre hégémonie sur l'économie iranienne.
Bien que les commerçants du bazar aient toujours eu
accès à l'énorme richesse et au capital, ils ont été
repoussés au stade de citoyens de deuxième rang. Dés
lors ils sont devenus les banquiers de la faction
réactionnaire à l'intérieur de la hiérarchie shiite.
Nous avions déjà vu cette coalition contre le Shah et ses
réformes dix-sept ans avant la révolution 1979. Ce
mouvement a été écrasé par le Shah et Khomeiny expulsé
vers l'exil. Quand en 1976 les premiers signes de la
crise structurelle du capitalisme iranien sont devenus
évidents, cette coalition est entrée de nouveau en
action. En l'absence d'autre opposition organisée, a
cause de faillite des forces nationalistes bourgeoises
et la gauche prosoviétique menée par le parti Tudeh
pendant la dictature de Shah, la hiérarchie shiite avec
son vaste réseau mosquées et bien financé par les
commerçants du bazar a rapidement assuré la conduite du
mouvement de protestation et a imposé ses propres
slogans et aspirations comme les revendications de la
révolution.
La classe de capitaliste, nationalement et
internationalement, a immédiatement reconnu et soutenu
cette contre-révolution car elle n’avait aucune autre
alternative pour sauver l'état bourgeois. Mais ce n’est
nullement un régime capitaliste « normal ». Dans un
régime capitaliste « normal » vous vous attendez à ce
que probablement deux capitalistes avec la quantité
égale de capital obtiennent le même taux de rendement
moyen. Dans la république islamique, l’un peut risquer
sa peau tandis que l'autre obtient 10 fois la moyenne
sans même risquer son capital !
A la longue ce régime doit se transformer selon les besoins
de l'état bourgeois qu'il protège. C'est un paradoxe,
mais les Neo-cons US peuvent apprécier le régime qui
iranien effectue sa politique de privatisation. La seule
différence est qu'en Iran, ils disent que la
privatisation de l’économie est faite de « manière
islamique », c.-à-d., tant que nous sommes maintenus au
pouvoir. Les semi mafia et groupes qui se partagent le
gâteau national, s'accrochent à la puissance et au
pouvoir, à tout prix. La hiérarchie shiite n'est pas
comme une junte militaire qui peut un jour accepter de
remettre le pouvoir à une forme plus « normale ». Nous
avons déjà vu trois vagues de « réformes » venant de
l’intérieur du régime. Ils ont abouti à rien et les
« réformateurs » ont été battus. La logique de toutes
vraies réformes réclame le retrait des mollahs de la
scène politique et l’abandon du pouvoir. Dès que cette
logique deviendra claire, les fondamentalistes
organiseront une nouvelle riposte violente. L’une des
conséquences des échecs répétés de ces réformes est que,
peu à peu, aux yeux des iraniens, la nécessité du
renversement révolutionnaire du régime devient de plus
en plus populaire.
Khamenei et Bush
savent que « la crise nucléaire » peut leur fournir la
couverture pour plonger la société iranienne dans un
état de couvre-feu militaire permanant, ce qui leur
permet de contrer la remontée des luttes.
Houshang Sepehr
Septembre 2007
► Houshang Sepehr est un militant marxiste révolutionnaire iranien exilé. Il anime la revue En Défense du marxisme publiée en persan et le Comité de solidarité avec les travailleurs en Iran. .
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